"Michel Assenat, agriculteur ou le gardien menacé de la cote sauvage"
- On a le chic pour dégoter au hasard des endroits préservés avec des résistants, tu ne trouves pas ?
- Bah oui, tu ne veux pas dormir dans un hôtel à la Baule ou à la grande Motte donc forcément, tu n’as que ce que tu mérites ! (Rires)
- Je continuerai à suivre mon instinct alors…
On allait prendre naïvement notre café dans le bourg de Naussac, pour lire le journal nez au vent, après ce superbe coucher de soleil à peine croyable et cette nuit paisible au bord de l’eau.
Le café allait avoir un tout autre goût. Naussac est un village sans charme, situé en Lozère et reconstruit à la fin des années 70…
À peine engagés sur le chemin pour s’y rendre, on croise Michel avec son seau rempli du lait de sa seule vache. Le veau est resté à l’intérieur car il ne tète pas entièrement, nous dit-il. La vache docile se dirige toute seule vers le peu d’herbe entre les rouleaux de paille. Michel a vendu les deux autres à cause de la sécheresse. Il a remit la parcelle qui appartient à la commune en état car il a le savoir-faire.
Élégant dans son bleu de travail, il baisse souvent ses yeux bleus profonds. Sa diction impeccable coule sans peine mais avec chagrin, sous une moustache blanche, douce et engagée.
Et s’il s’agissait-là simplement du témoignage du dernier agriculteur de la presqu’ile de Naussac ? C’est un détail pour vous ?
Sur fond de harcèlement de la part des collectivités locales, de décalage par méconnaissance, de jeu de pouvoir et avec un soupçon d’indifférence, le combat de Michel Assenat pour la protection de sa parcelle familiale, de l’agriculture et de la nature, rassemble par la pensée les passants conscients, trop vite repartis dans leurs propres paysages.
Naïvement encore, touchés par sa situation, on ose lui donné le conseil de créer un comité de soutien, une ZAD même…! Et pourquoi pas une campagne de crowdfunding pendant qu’on y est ? Michel est fatigué et du haut de ses 80 ans, n’a pas été mis au goût des outils pour des révolutions modernes. La fracture semble profonde.
« J’en suis rendu à avoir une vache pour pas qu’ils m’obligent à désaffecter définitivement mon bâtiment et a disparaitre sans rien. »
« C’est à la mode les reconversions, moi je ne venais pas de ce monde-là et je suis revenu sur la terre de mes ancêtres. Arrivé en 1976, j’étais contre la construction du barrage qui a détruit Naussac et sa dizaine de hameaux en contre bas ainsi que 40 exploitations agricoles ! (Petit silence)… J’ai rencontré ma femme en collant des affiches militantes. Aujourd’hui y’en a plus d’un qui pense que c’est pas mal de revenir vivre à la campagne n’est-ce pas ? Mais à quel prix ? Pour moi, il n’y a pas de justice dans notre pays et ici c’est un combat très très usant… »
Il digresse sur le barrage ce qui permet de planter encore mieux le décor ;
« Vous savez, cette retenue d’eau peut contenir 200 millions de mètres cube, aujourd’hui il est plein à moitié.
On sait que même avec une pluie moyenne, il ne sera pas rempli l’année prochaine car au maximum il peut remplir 100 millions de mètres cube par an. En 2003, il était complètement à sec, mais on a des années pluvieuses après ; il dépend entièrement de la pluie et du beau temps ! Je me souviens de l’entreprise qui a été mandatée pour détruire les villages, le type s’appelait Volpierre. Si c’est pas une drôle de destinée ça… »
Il revient au présent !
Coup de théâtre en votre défaveur ! Avril 2022.
Le projet de la collectivité ?! Construire des logements avec vue sur l’eau ! Selon Michel s’ils en construisent 30, ils auront 300 demandes !
« Ça fait deux siècles que ma famille prend soin de cette terre.
Je pensais que Macron préserverait l’environnement comme il l’a dit.
Un secrétaire d’état a signé à 15jours de la fin de son mandat, la suppression de la loi littorale sur Naussac. Comme ça, avant de s’en retourner à des dossiers plus bouillants. »
Plus j’écoute Michel, plus j’imagine un truc hideux qui s'érige tout en béton dans le paysage :
« Vous ne pouvez pas instruire les imbéciles, ma propre soeur a milité pour la suppression de la loi littorale »
« Vous savez je vous rassure, je ne croise pas une seule personne qui ne soit pas d’accord avec cette vision de protection du vivant, même si chacun a le droit d’avoir ses positions, ça fait mal. »
Quels éléments de cette histoire d’agriculteur me manque-il pour comprendre cette décision et ne pas la juger dangereuse et dénuée de bon sens ?!
Qu’on me les apporte en vélo ou à pieds ou par lettre recommandée, je les lirais avec attention !
Mais en attendant, je ne peux que me ranger du coté de ce qui ne comprennent pas à quel point on peut mépriser les faiseurs qui nourrissent les français, depuis des générations et qui, peinant déjà à être remplacés, ne méritent pas qu’on coule d’une seule traite sous du béton le peu de biodiversité et d’espoir qu’il reste. N’essayez même pas l’argument de la crise du logement, à d’autres !
La seule minuscule chance qui peut sauver le Mas d’Armand serait qu’ils décident dans le PLUi que la parcelle de Michel ne soit pas constructible !
Sur notre balade jusqu’a café, en silence, les panneaux l’indiquent bien : par ici pour la rive droite et rive sauvage de l’autre ; mais pour combien de temps encore ?
Les aménagements pour observer la faune et la flore du lac ont soudain le goût d’une faible vision compensatoire pour le drame qui se prépare…
Des histoires comme celles de Michel, on pourra me dire qu'il y en a des centaines de similaires... ce qui décuple ma colère. En vous partageant ce récit je ne fais pas grand chose pour l'aider malgré nos recommandations de nous écrire un mail afin de le mettre en contact avec des associations, nous n'avons rien reçu à ce jour. L'isolement est réel pour tous un tas de maux... faisons notre part pour tendre la main, pour essayer de rompre ces cercles vicieux, dès que l'occasion se présente.
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